Abordant ici sur ce site internet de nombreux points scientifiques liés à la pratique de la méditation pleine conscience, j’avais aussi envie de donner de la place à la pratique de celle-ci, en l’illustrant par des « réflexions méditatives ». Ces réflexions, dans le sens de « refléter », pourront être guidées par des réverbérations d’événements du quotidien dans la pratique de la méditation, et inversement.
Lors d’une discussion avec un ami récemment, celui-ci me partageait son exaspération vis-à-vis de la formule de politesse qui clôturait beaucoup des mails qui lui étaient envoyés: « en vous souhaitant une belle journée ». Il préférait la mesure de l’ancienne formule qui souhaitait « une bonne journée ». Cet échange, anodin, m’avait fait sourire. Je trouvais cela amusant de préférer le « bon » au « beau ». Et puis la conversation avait continué sur un autre sujet, et mes réflexions s’étaient arrêtées là.
Visiblement, je n’avais pas eu le temps de clôturer intérieurement cet échange car un mois plus tard environ, lors d’une journée de congés lors des fêtes de fin d’année, où des petites choses du quotidien avaient entraîné de légères tensions internes, en regardant les montagnes à travers les transparences d’une baie vitrée, je me suis demandé si cela était une « bonne journée »…
De façon assez nette et claire, je me suis entendu répondre, que la journée ne pouvait rentrer dans le cadre du « bon » ou du « mauvais ». Que l’un ou l’autre de ces deux termes étaient inexacts, et ne pouvait contenir la belle complexité mêlée de cette journée: des circonstances faisaient certes que je sentais un sentiment de déception, mais j’étais là, en vie, ressentant tout cela. L’émotion de déception qui me déposait un léger poids sur la poitrine, m’apparut à ce moment aussi belle et troublante qu’un soleil orangé qui se pose sur l’horizon, quelques minutes avant de disparaître. Ni bonne ni mauvaise, cette déception était juste belle par le poids qu’elle exerçait sur mon corps, comme un mystère étrange, une main invisible posée sur mon sternum, peut-être déjà ressentie à un moment donné de leur existence par plusieurs milliards d’autres êtres humains vivants ou disparus, et dans cet instant, c’était sur mon thorax que cette pression s’exerçait. Puis au moment exact où j’étais totalement présent à cela, ce poids s’est éclipsé, et un espace s’est ouvert dans ma poitrine où la beauté de cette journée d’hiver put s’engouffrer. La journée était devenue belle par cette présence curieuse et intéressée que je lui avais portée, transcendant son caractère « bon » ou « mauvais ».
J’ai alors réalisé que quand je souhaitais « une bonne journée » à quelqu’un, je souhaitais en quelque sorte que tout se déroule comme elle le souhaitait, mais que lui souhaiter « une belle journée » consistait à lui souhaiter qu’elle soit présente à toute la richesse présente dans ces 24 heures, ces 1 440 minutes, ces 86 400 secondes, mais peut-être parfois voilée par le suaire de nos attentes qui disent « j’aurais voulu que les choses se déroulent comme cela, j’aurais préféré ne pas vivre cela, … ». Souhaiter le « bon » appelle notre esprit à analyser, évaluer, catégoriser. Souhaiter le « beau » appelle notre sensibilité, notre présence au monde et à la vie dans son caractère fragile et unique.
Je vous souhaite donc une belle journée, et aussi une belle année 2020 (soit 31 millions et 536 milles secondes à découvrir et vivre telles qu’elles seront),
Grégory Baptista.
Photo: Chemin vers le Pont de l’Amour, Villard-de-Lans, décembre 2019 ©️G.Baptista